La twittérature comme imposture ? Ou comme simple modulation de l'exercice du langage ? Ou comme véritable entreprise de déforestation de la littérature (la vraie) ? Ou comme ultime tentative pour tenter d'arracher le secret des sources du Nil ? Ou comme bavardage définitivement insipide, à défaut d'être récréatif ? Ou comme cristallisation de l'ennui ? Il faudra sans doute, un jour, sérieusement, pouvoir le dire. En attendant, et sans rien chercher qu'à se laisser porter par le chaos du monde, pour en comprendre, si tant est que ce soit possible, la subtile harmonie, Paul-Henri Sauvage, sur Pas-Vu-Pas-Pris, poursuit la publication de cette Vie Rêvée dont j'ai déjà largement évoqué la genèse, TwitterRoman toujours en chantier et à l'issue chaque jour plus incertaine. Un bref extrait, rien que pour vous, bien sûr :
Parfois Rose vous accompagne jusqu'au verger du grand-père exhortant ses troupes à ne pas se gaver de cerises. Exigeant soudain le silence. Vous entendez la mésange qui cherche en vain à vous effrayer ? Puis reprenant sa lente progression dans les herbes parfumées de coquelicots. Contournant les ronces qui prospèrent gentiment, chaque jour un peu plus, et pourraient finir par vous interdire le passage. Vous riez ? Se moquant, en revanche, complètement des orties qu'il s'agit juste de traverser sans respirer. S'enthousiasmant du vol d'une libellule. Répétant que les coccinelles sont les restes d'étoiles. Ou bien les larmes du Bon Dieu... Des particules de rêves... Je ne plaisante pas ! Chassant à tue tête - plus fort, les garçons ! - d'invisibles vipères qui se faisaient immanquablement couleuvres, musaraignes ou crapauds. Ouvrant le chemin dans une jungle de pacotille qu'aucun gibbon jamais ne surveillait sauf à prétendre vrai ce qui nous traversait l'esprit. Fauchant la prairie d'1 moulinet de bois mort qui tenait à distance les armées de mulots, les escadrilles d'étourneaux, un empire assoupi. Décrétant une trêve générale, l'indulgence des autorités, une infinie mansuétude... Mais sous réserve qu'on cesse de lui manger les mollets. Et pas demain... Ou dans un mois... Mais là, tout de suite ! Bon sang ces bestioles qui n'en font qu'à leur tête me rendront folle. Interrompant son discours. Cherchant, en vain, à localiser le fanfaron qui s'égosille dans le feuillage. Mimant l'écureuil déjà disparu... Ou bien les butineuses qui viennent festoyer dans le verger, s'enivrer de couleurs, se gaver de pistil, se régaler de pavots ou de lavande. Ou bien l'ombre d'un chevreuil, aboyant soudain d'une exigence plaintive, le retour de son rejeton caracolant dans les herbes sauvages. Ou bien la reinette, aspirant à la pluie et gagnant la berge de l'étang en s'abreuvant de rosée. Ou bien l'extase des flammes après l'orage. Ou bien l'épouvante de la musaraigne sous la férule d'un matou. Ou bien la course saccadée d'une fourmi zigzaguant sur le tronc du tilleul. Ou bien la météorite flamboyante qui traverse la nuit, s'affranchit des étoiles, disparait dans un nuage et plonge en sifflant sur la forêt. Plus qu'un moment de la vie, l'enfance est une dimension de l'être.
Mais le reste à lire ici, ou bien là, plus facilement encore, c'est à dire à peine plus loin.