Sait-on qu’écrire n’est, peut-être, pas autre chose qu’une thérapie
par le rire ? La subtile harmonie entre les sons et le sens caché de la
phrase, engendre en effet, inévitablement, pour qui, alors, lâche la plume, une
explosion d’hilarité qui apporte la preuve de l’équilibre secret du texte. Trop
peu souvent, hélas, il m’est arrivé d’en faire l’expérience. C’est en lisant
l’interview de Martin Amis, dans Paris
Review, Les Entretiens, (Ed. Belfond)
que je comprends :
- C'est étonnant ... Je me sens parfois tenté par les ordinateurs, et puis je me rends compte du plaisir surprenant que procure un nouveau Biro.
- Un nouveau Biro ?
- Un Biro, vous savez bien ... un crayon feutre. Le plaisir que vous procure un nouveau Biro qui marche bien. Vous avez alors le plaisir du papier et du crayon.
- Des fournitures neuves.
- Les fournitures neuves. Les superstitions ... Je pense que quelqu'un a dû me dire un jour que j'écris mieux si je fume. Je suis sûr que, si j'arrêtais de fumer, je commencerais à écrire des phrases du genre: « Il faisait un froid mordant. » Ou : « Il faisait une chaleur d'enfer. »
- Avez-vous besoin d'un isolement total pour écrire ou est-ce plus variable que ça ?
- Je peux écrire au milieu de - ce n'est pas très commode - mais je peux avancer au milieu du brouhaha familial usuel. Mais il faut avouer, et peut-être regretter, que la première chose qui distingue un écrivain, c'est qu'il est plus vivant quand il est seul, plus pleinement vivant quand il est seul. Décrire ça comme un goût de la solitude est très éloigné de ce qui a réellement lieu. C'est quand vous êtes seul que les choses les plus intéressantes vous arrivent.
- Vous vous faites rire ou pleurer... ?
- Oui... le rire du savant fou lui vient de l'effort au travail; le rire dont les savants se servent pour signifier la vie créée à partir d'une éprouvette sale.
- Ou à partir d'un Biro.
- Oui, c'est vraiment comme ça. Lorsque je travaillais à la maison à mon premier livre, ma chambre se trouvait au-dessus du bureau de mon père, et j'entendais souvent monter, non pas le rire du savant fou, mais le genre de rire qui vous secoue les épaules. Et je perpétue cette tradition. Je trouve qu'il n'y a pas que les scènes comiques qui vous fassent rire, mais aussi tout ce qui marche bien. En réalité, le rire, c'est quand tout marche. La découverte du travail dans son entier…