Oui, je sais, tout cela est terriblement convenu. Les années 70 sont
passées par là avec leurs utopies auxquelles il est, aujourd’hui, difficile de
croire (encore que…). Peace and Love,
et compagnie… Mais tout de même. Ne devrait-on pas, précisément, relire,
revisiter comme on dit parfois, l’enseignement de la Beat Generation. Réflexion qui me vient après avoir refermé l’interview
de Jack Kerouac dans « Paris Review. Anthologie. Volume 2 ». Ed.
Belfond
Ce qui a vraiment influencé mon travail, c'est le bouddhisme Mahayana, le bouddhisme original de Gautama Sâkyamuni, le Bouddha lui-même, de l'Inde ancienne ... Le zen, c'est ce qui reste du bouddhisme, ou bodhi, après son passage en Chine puis au Japon. La partie du zen qui a influencé mon écriture est le zen contenu dans le haïku, comme je l'ai dit, les poèmes de trois vers, de dix-sept syllabes écrits il y a des centaines d'années par des gars comme Bashô, Issa, Shiki, et ce sont là des maîtres récents. Une phrase qui est courte et douce, avec un bond soudain de la pensée est une sorte de haïku, et il y a beaucoup de liberté et de plaisir à se surprendre avec ça, à laisser l'esprit bon gré mal gré sauter de la branche à l'oiseau. Mais mon bouddhisme sérieux, celui de l'Inde ancienne, a influencé cette partie de mon écriture que vous pourriez qualifier de religieuse, de fervente ou de pieuse, presque autant que le catholicisme a pu le faire. Le bouddhisme original renvoyait à une compassion consciente continue, à la fraternité, à la dana paramita (ce qui veut dire la perfection de la charité), n'écrasez pas l'insecte et ainsi de suite, l'humilité, la mendicité, le doux visage triste du Bouddha (qui au passage était d'origine aryenne, je veux dire issu d'une caste de guerriers perses, et non d'origine orientale, comme on le représente)... dans le bouddhisme original, pas de gamin qui arrive au monastère et que l'on prévient qu'ici, on les enterre vivants. On l'encourageait simplement et gentiment à méditer et à être bon. Le début du zen, c'est quand Bouddha, cela dit, a rassemblé tous les moines pour délivrer un sermon et qu'il a choisi le premier patriarche de l'église Mahayana : il n'a pas parlé, il s'est contenté de brandir une fleur. Tout le monde en était abasourdi, sauf Kasyapia, qui a souri. Kasyapia a été nommé premier patriarche. Cette idée a plu aux Chinois, comme par exemple au sixième patriarche Hui-Neng, qui a dit : Depuis le début rien n'a jamais été, et qui voulait détruire les retranscriptions dés paroles du Bouddha telles qu'elles sont conservées dans les soutras; les soutras, ce sont les fils du discours. D'une certaine façon, donc, le zen est une forme d'hérésie douce mais dingue, même s'il doit bien y avoir quelque part de vieux moines vraiment gentils et que nous n'avons entendu parler que des cinglés.