Travaux des villes, travaux des champs


Je compte sur votre indulgence. Rien n’avance jamais aussi vite qu’on l’espérait… Mais certains, dont il faut sans doute suivre l’exemple pour savoir nommer le bonheur, ont, décidément, réponse à tout. Tel, Marcel Bénabou, dans « Pourquoi je n’ai écrit aucun de mes livres » (Ed. Hachette) : « Et puis, il faut bien l'avouer, j'avais parfois d'autres alibis. Je me disais qu'il y avait mieux à faire. Il fallait vivre. S'épanouir. Exulter et jubiler. Accumuler les joies. Varier les voluptés et les plaisirs. Collectionner les moments de liesse et de délectation, d'allégresse et de ravissement. Faire le tour enfin de tous les enchantements. Je voyais s'accorder sur un seul mot les leçons des maîtres dont je m'étais gavé : jouir. Carpe diem ! Les roses de la vie ! Mignonne allons voir ! La magique étude du bonheur ! Ivresse dionysiaque ! ô que ma quille éclate ! Vivez si m'en croyez ! Du bonheur et rien d'autre ! (Car, bien entendu, c'est à coup de références purement littéraires que je m'exhortais à ne pas tomber trop tôt dans les filets de la littérature.) Je me souvenais opportunément, dans ces moments-là, que j'étais méditerranéen et que — à condition bien sûr de savoir garder quelque distance avec « le vulgaire été des baigneurs » — je ne devais pas avoir honte, après tout, d'aimer encore la mer et le soleil, le sable et le sel. D'ailleurs multiplier les expériences, c'était aussi prendre une sorte d'assurance. J'allais avoir ainsi de quoi nourrir l'œuvre à venir. Elle ne serait pas gagée sur un simple fatras de fantasmes infantiles, elle aurait pour couverture un véritable trésor fait des trébuchantes espèces du vécu. Créer des héros de roman ? bien sûr ! Mais pas avant d'avoir prouvé mon aptitude à en être un... » Un héros de roman ? Voilà qui me convient…